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Le bruit s’enflait de minute en minute.

Dans la caes dos Soldados, les curieux, faisant trêve à leurs querelles avec les lanceros, avaient tourné le dos à la place.

Parmi le bourdonnement des conversations, des mots se détachaient clairement :

— C’est le chariot !

— La condamnée !

— Le miracle va avoir lieu !

Des organes féminins psalmodiaient :

— Sainte Madone, protégez-nous !

— Sainte Madone, ayez pitié de nous !

Les doigts d’Olivio se crispèrent sur la barre d’appui de la croisée.

— Imbéciles ! gronda-t-il, on vous en donnera de la Madone. Patience ! Patience !

Pedro n’entendit pas la phrase menaçante. Très pâle, des gouttelettes de sueur perlant sur son front, il regardait, impressionné par le spectacle.

Soudain, son cœur cessa de battre. Les lanciers, qui fermaient la caes dos Soldados, avaient ouvert leurs rangs, et par le passage libre s’avançait lentement le chariot de supplice, une sorte de tombereau peint en rouge et noir, tiré par une mule noire au harnachement grenat.

Près de l’animal, la main sur la bride, marchait un homme, en qui le gouverneur reconnut José.

Mais quel étrange costume portait la condamnée ?

Elle se tenait repliée sur elle-même, entièrement recouverte par un épais manteau brun, dont le capuchon rabattu cachait ses traits.

Il sembla au gouverneur qu’en débouchant sur la place, la jeune fille abaissait encore ce capuchon.

Derrière le sinistre tombereau, Crabb et Candi se dandinaient gravement.

Seulement, ils firent halte en avant de la haie des lanciers et laissèrent le véhicule s’éloigner d’eux.

Un silence de mort planait sur la place.

— Sainte Madone, protège les innocents ! clama une voix de femme.

On eût dit que c’était là un signal.

Un choc sec se produisit presque sous les pieds de