Sans attendre de réponse, il gagna la porte, laissant Pedro et Alcidus en présence.
Les deux hommes quittèrent l’appartement à leur tour.
La façade de la maison, opposée à la rue, donnait sur un jardin, parcouru par d’étroites et sinueuses allées.
Les promeneurs s’enfoncèrent sous les feuillages. Au bout de vingt mètres, ils avaient perdu de vue le logis et se pouvaient croire, avec un peu de bonne volonté, égarés en pleine forêt vierge.
Des arbres, empruntés à toutes les essences forestières de l’Amazonas, entrelaçaient leurs branches, laissant tomber jusqu’au sol, tel des serpents endormis, de grosses lianes aux fleurs multicolores.
Tout au fond de ce bois en miniature, existait une sorte de clairière entourée de bancs.
Ce fut là que s’arrêtèrent les deux hommes.
— Ah ! ah ! le joli endroit ! s’exclama Alcidus.
Et avec une inquiétude burlesque :
— Vous ne pensez pus, meinherr, que tout cela croîtrait en Europe, sur les rives de l’Elbe ?
Sa question dérida Pedro.
— Non, je ne pense pas.
— Non, n’est-ce pas, fit lourdement le pseudo-Allemand ; quand elles sont habituées au chaud, les plantes ne peuvent s’accoutumer au froid.
— C’est un peu comme les hommes, señor courtier.
— Ça, c’est bien vrai, meinherr, et c’est aussi très malheureux.
— Malheureux ?
— Ya, ya. Car un bocage comme ceci, au bord de l’Elbe, cela vaudrait une belle somme d’argent.
— C’est probable.
— Dites certain, meinherr. Enfin, ce qui ne peut pas être ne doit pas être regretté.
— Voilà de sages paroles.
— En Allemagne, nous sommes tous des sages et des philosophes.
— En ce cas, voudriez-vous m’apprendre ce qu’un philosophe pense de ce qui s’est passé ce matin ?
— Avec plaisir, meinherr, avec plaisir.