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Soudain, la femme à l’enfant lança d’une voix claire :

— La Madone protégera celle que les puissants ont condamnée !

Un frisson secoua l’assistance.

Juste à cet instant, le bourreau atteignait le pied de l’escalier accédant à la plate-forme de la garrotta.

Il s’arrêta, et, stupéfait, appela ses aides.

Ceux-ci, alignés sur les côtés de l’appareil de justice, accoururent, et, comme lui, demeurèrent bouche bée.

L’escalier était disjoint, les planches tordues, crevassées[1].

— Qu’est-ce que cela ? put enfin prononcer l’exécuteur.

Ils étendirent les bras en un geste d’absolue ignorance.

Évidemment ils n’y comprenaient rien. Comme à l’ordinaire, ils avaient dressé la garrotta, et voilà qu’une invisible main avait déjà défait leur ouvrage.

D’autre part, aucun ne se souciait d’avouer la visite intempestive faite chez le débitant de boissons.

Tout à coup, le bourreau, obéissant à une pensée soudaine, escalada les planches branlantes, et apparut sur la plate-forme.

La foule, devinant qu’il se passait quelque chose d’anormal, regardait avidement Olivio, le corps à demi hors de la fenêtre, semblait en proie à une impatience fébrile. Il oubliait son frère, ses compagnons. Et, brusquement il eut un cri rauque.

Le bourreau venait de lever les bras en un geste tragique, et, se retournant vers la croisée où se montrait le gouverneur :

— Señor gobernador, clama-t-il, l’exécution est impossible.

— Impossible ?…

Le mot circula dans la foule comme un murmure.

  1. Expériences de M. Didier de Largis dans sa propriété du Calvados sur les effets destructeurs de l’air liquide.