En tête s’avançait l’armoire à glace, trapue, carrée, majestueuse ainsi qu’un financier aux poches gonflées d’écus.
Les chaises suivaient, sautillantes, ironiques, telles des pages frondeurs derrière une châtelaine.
Et le buffet, faisant bouffer son armoire, tel une coquette mère gigogne.
Puis les dressoirs, servantes, étagères, lavabos, baignoire, appareil à douche. La chaise-longue déambulait d’un air fatigué, maladif, rempli de morbidesse. Les pendules, cartels, sonneries électriques, casseroles, pincettes, groupés, sonnant, tintinnabulant, rythmaient la marche de même qu’une fanfare militaire.
Tout cela gagna la rue, et professionnellement fila sur le trottoir au grand ébahissement de la population.
— Quèsaco ? disait-on.
Malifousse répondait :
— Té, j’avais prévenu le juge. Mes meubles Ils étaient férus d’essercice !
Propriétaire, commissaire, acheteurs, clamaient à qui mieux mieux ; mais leurs cris n’avaient d’autre effet que de précipiter l’allure du mobilier.
Bientôt tous furent au trot, puis au galop !
Le mobilier de Malifousse commençait son tour de France.
Va bien, pitchoun ! Le commissaire, il s’entêta. Il suivit, suivit, pendant treize cents kilomètres… et à pied.
Quand Malifousse se sentait las, il s’asseyait dans un fauteuil, ou se couchait sur son lit ; mais les meubles fidèles ne consentaient à porter que sa personne. Si le commissaire voulait l’imiter, il roulait bientôt dans la poussière, car le lit ruait, les fauteuils se cabraient, les canapés faisaient panache.
Ce qui devait arriver arriva. La matière fut vaincue par les esprits, la force physique céda à la force psychique.
Au treize centième kilomètre, le commissaire-priseur s’arrêta.
Cinq cents mètres plus loin, ce fut le tour du pro-