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était innocent plus même, victime d’audacieux aventuriers. Mais au fond de lui-même, Pedro ne sentait pas la conviction de cette innocence.

Pourquoi continuait-il à suspecter son frère ?

Il l’aimait cependant d’une affection sincère. Ce lui aurait été une douleur cuisante, inguérissable, de voir ses soupçons devenir certitudes. Mais il était honnête homme, épris de justice, incapable de se perdre dans le maquis de la procédure, où tant d’hommes apprennent seulement à confondre la légalité et la loyauté.

Et la logique inflexible de sa raison impartiale lui démontrait que la chose jugée n’en était pas devenue plus claire, que les juges avaient rendu une sentence, plutôt inspirée par des préférences locales que par le noble souci du juste.

Pourquoi l’accusateur, ce Jean qui naguère promettait à lui, gouverneur, de reparaître, avait-il manqué à sa promesse ?

Comme pour répondre à la question, un coup léger fut frappé à la porte.

Celle-ci s’ouvrit Pedro de Avarca poussa un cri de surprise.

L’homme, dont il évoquait le souvenir, était debout devant lui.

Parvenu en face de la porte du haut dignitaire, Alcidus s’était assuré que le couloir était désert.

Il enleva alors lunettes bleues, perruque et barbe rousses. Sa taille se redressa ; il se planta bien d’aplomb sur ses jambes, reprenant l’allure élégante et décidée qui lui était naturelle.

Heurtant discrètement la porte 9, il entra.

— Le señor Jean ! s’écria Pedro stupéfait

— Lui-même, monsieur le gouverneur.

— Que voulez-vous ?

— Vous parler.

— Notre première entrevue ne m’a procuré que scènes pénibles.

Le visage de l’ingénieur se couvrit d’une teinte de tristesse :

— Je vous plains, monsieur le gouverneur. Je plains le frère qui doit douter de son frère. S’il ne