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En phrases brèves, pressées, il lui raconta comment il l’avait vue endormie, comment son image l’avait surpris, troublé. Il dit le guet-apens où il était tombé, la mine, son retour à l’habitation Roland.

Par un sentiment de pudeur morale, il tut seulement ses relations avec Crabb et Candi, attribuant sa délivrance à la pitié d’un bandit inconnu.

Du reste, l’hésitation du narrateur passa inaperçue. Une chose venait d’attirer l’attention de la jeune fille.

Son père, ses frères, les ouvriers, elle-même, dormant de ce sommeil inexplicable, dont le galop du cheval, le fracas du cataclysme ne l’avaient pu tirer.

— Oh ! murmura-t-elle pensive, c’est lui, c’est lui, ce misérable, qui a tout dirigé.

Et comme Jean l’interrogeait du regard :

— L’homme, le chef de ceux qui vous arrêtèrent était grand, très beau, une trentaine d’années ?

— Oui, oui ; vous le connaissez donc, mademoiselle ?

— Hélas ! mon père eut confiance en lui… Oh ! l’infâme.

Mais, s’interrompant soudain :

— Mon père, gémit-elle, mon père… Je veux aller près de lui… ; je veux…

Elle se dirigeait vers l’issue de l’abri. Jean la retint doucement.

— Impossible de sortir encore, mademoiselle, impossible.

Elle essaya de se dégager. Il supplia :

— Attendez… J’ai essayé tout à l’heure… Vous dormiez encore et j’aurais tant souhaité pouvoir, à votre réveil, répondre aux questions qui, j’en étais sûr, allaient s’échapper de vos lèvres.

— Eh bien ? fit-elle doucement.

— Eh bien, j’ai failli tomber, suffoqué par les cendres.