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— Jean ? Je ne connais personne s’appelant Jean.

— Je ne le connais pas non plus, croyez-le bien.

— Cela est trop comique. Et de quoi m’accuse ce personnage ?

— Vous avez deviné juste. Il vous accuse.

— Parbleu ! On ne s’attaque qu’aux riches.

— Il prétend…

— Allez, allez, ne vous gênez pas, fit avec un rire forcé Olivio, voyant que le narrateur demeurait en suspens.

— Soit ! Il prétend que vous avez ravi deux Jeunes filles, dont l’une est prêtresse du temple Incatl, et que vous les séquestrez arbitrairement.

Olivio ne répliqua pas de suite. Ses traits s’étaient contractés, et entre ses dents serrées, une phrase s’était fait jour :

— Au diable ! Pedro est un puritain ; il est faible comme l’enfant pour tout le reste, mais sur ce chapitre-là, il n’entendra pas raison.

Il avait parlé si bas que ni M. Alcidus, ni le Marseillais qui venait de le rejoindre, n’avaient pu l’entendre.

Pourtant le boiteux répliqua, absolument comme si la phrase lui avait été adressée.

— Il suffirait de lui prouver qu’il a tort.

Olivio recula d’un pas. Ses yeux perçants se rivèrent sur son interlocuteur avec une expression de défiance. Celui-ci ne sourcilla pas.

— Écoutez, meinherr de Avarca, fit-il d’un ton bonhomme, entre marchands de diamants, il se faut entr’aider ; le commerce, est assez pénible, mein Gott ! pour que l’on ne le complique pas à plaisir.

— Vous en savez plus que vous ne dites, gronda le chef des bandits d’un air menaçant.

L’Allemand joignit les mains :

— Puisque je vous dis que j’arrive de Sao-Juan-Jurua, puisque je vous apporte une nouvelle que vous ignorez, vous pensez bien que je me suis informé. Si j’étais votre ennemi, je ne vous préviendrais pas.

Cela était évident. Un ennemi eût laissé le gobernador Pedro surprendre son frère. Ce raisonnement