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— Excusez-moi. J’ai oublié le nom. Nous sommes à l’hacienda ?…

— De Amacénas.

— Eh té ! Amacénas, s’exclama le Marseillais !

— De amacénas, dites-vous ? répéta l’Allemand.

Olivio les considéra avec surprise :

— Oui. Ce nom vous rappelle-t-il un souvenir ?

— Je crois bien, répliqua Alcidus.

— Agréable au moins ?

— Non.

— Pénible alors ?

— Pas davantage.

Olivio considéra ses interlocuteurs d’un œil défiant. Il eut un instant la pensée qu’ils se moquaient de lui.

Mais la physionomie d’Alcidus, du moins ce que la barbe et les lunettes en laissaient apercevoir, celle de Massiliague, étaient si placides, que cette pensée s’évanouit aussitôt

Les courtiers en diamants riaient du reste… Alcidus surtout s’abandonnait à sa gaieté, lourdement, de ce rire épais dont il paraissait coutumier.

— Je vais vous dire, mon cher señor. Il y a deux semaines, nous nous trouvions à Sao-Juan-Jurua.

— Près des sources de la rivière qui arrose ma propriété ?

— Précisément, à quelque cent mètres de la frontière péruvienne. Toute la ville était en révolution. On attendait un grand personnage.

— Qui donc ?

— Le señor Pedro, gouverneur et président de l’État de Amazonas.

— Mon frère, laissa tomber Olivio d’un air détaché.

Alcidus, qui s’était remis en marche, s’arrêta pour accomplir le salut le plus respectueux ; puis, se reprenant à boiter outrageusement :

— Votre frère ; Je vous en félicite. Alors sa visite ici n’aura aucun caractère de gravité.

— Ici ? s’écria Olivio en sursautant. Ici ? Mon frère vient Ici ?

Toute sa personne exprimait l’inquiétude, le mé-