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Du coup, les bandits n’éprouvèrent plus du respect, mais de la vénération pour ces inconnus, qui trouvaient que les millions ne signifiaient rien.

Ils ne parurent pas s’en apercevoir.

S’approchant du señor de Avarca, le boiteux reprit :

— Voici notre note de commission, le relevé de notre situation à la banque Hermanos Corialente et Hijos, succursale de Sao-Domenco. Vous voyez que nous sommes autorisés par notre maison à épuiser nos réserves en ce pays, et, si besoin est à faire appel à nos dépôts d’Europe.

— C’est donc une rafle que veut faire la maison Muller et Muller ? fit Olivio en clignant des yeux.

— Cela, je l’ignore.

— Vous l’ignorez, vous ? Allons donc ! Des hommes auxquels on confie le maniement de sommes énormes…

— Nous sommes d’honnêtes gens, voilà pourquoi l’on a eu cette confiance.

Le même Sourire distendit les lèvres de tous les assistants. Chacun se disait sûrement en son for intérieur :

— Si je pouvais manier des millions, moi aussi, je deviendrais honnête ; mais après les avoir mis, comme moi-même, en sûreté.

Cependant Olivio continuait :

— Il est inadmissible que vous ignoriez le but de vos commettants.

— Cela est pourtant.

— Alors vous n’êtes pas curieux ?

— Pas du tout. Nous avons tant pour cent sur nos opérations. Ce pourcentage grossit quand l’affaire prend du ventre. Nous faisons notre compte. Nous n’aevons pas besoin de savoir autre chose.

Le flegme du boiteux excita un murmure flatteur.

— Soit ! reprit de Avarca. Vous avez une façon d’envisager la question qui me fait penser que vous ne savez pas. Quoi qu’il en soit, je ne puis, au pied levé, vous donner une énumération complète de mon stock.