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sabre, ton bonnet ; bon, ces gentillets animaux se feront un plaisir de te les rendre. Couche-toi au fond du bateau, finis de dormir, et laisse-moi faire.

« Ça, je dois le reconnaître, le chasseur, il est mélancolique, mais, obéissant. Au bout d’un zeste, j’étais seul debout au milieu de la pirogue.

« Alors, j’empoigne une liane, je me hisse dans les arbres, des acajous superbes, de quoi faire un mobilier Empire de premier choix. Et vé, ma caille, je me hisse encore. Je romps une branche, puis à califourchon sur une autre, je commence à donner aux singes une leçon de maniement d’armes.

« — Une, deux, portez armes !… Présentez armes ! Une, deux. »

« Oh ! les bravounettes bestioles, elles ont l’esprit militaire si développé, qu’au bout d’un petit quart d’heure, elles manœuvraient ainsi que de vieux grognards.

« — Vous me direz, les Marseillais sont les premiers instructeurs du monde. Oui, sans doute, je ne l’ignore pas ; toutefois il est bon de rendre justice à l’intelligence et au bon vouloir de mes soldats à quatre mains.

« Bientôt je jugeai le moment favorable pour mettre à exécution le plan que j’avais conçu. Je dégringolai de mon perchoir, tout en continuant à haranguer mes simiesques troupiers. Je pris pied dans le bateau, rascasse, et j’y déposai ostensiblement mon bâton.

« Après quoi, je regagnai mon fauteuil aérien.

« Je l’occupais à peine, que les délicieux quadrumanes dégringolaient à qui mieux mieux dans l’embarcation. C’était à qui y déposerait carabines, machetes, couvre-chefs.

« Enfin comme une volée d’oiseaux, ils s’élevèrent parmi les branches, me regardant, semblant attendre la continuation de la conférence.

« — Eh donc, digne Francis ! criai-je alors.

« — Quèsaco ? il me répond.

« — Prends ton fusil, pécaïre ! et fais feu, pas dans l’arbre par exemple ; il ne faut blesser personne, mon agnelet.