pâlir toute une population à la mort, n’avaient-ils pas joué leur vie pour sauver la sienne ?
Et lui, lui, les frapperait ? Non, cela était impossible. Son bras armé ne serait pas celui d’un justicier, mais d’un parricide.
D’autres pensées succédaient à celles-ci.
Accepter, les inviter à fuir, constituerait une trahison, non seulement à l’égard de Stella qui avait foi en lui, mais encore vis-à-vis de la société menacée par les plus perfides, les plus insaisissables des criminels.
Parricide ou traître, dilemme affolant, entre les deux termes duquel il devait choisir.
— Tenez, tenez, les voici ! chuchota Ydna, qui était retournée à la fenêtre.
Stella la rejoignit, et Jean, dominé par une force invincible, imita la jeune fille.
En bas, descendant à la grève avec leur funèbre fardeau, les deux bandits marchaient d’un pas cadencé.
— Ils vont jeter l’infortuné dans le fleuve, fit Stella en frissonnant.
— Et effacer ainsi toute trace du crime, acheva Ydna.
Elles se turent. Debout en arrière, Jean s’épongeait le front. Tout à coup, Stella se retourna vers lui :
— C’est Dieu lui-même qui les inspire, prononça-t-elle lentement. Tandis qu’ils vont au fleuve, vous, monsieur Jean, vous gagnerez leur cabane, vous préparerez la punition des coupables.
Et le voyant demeurer immobile, éperdu :
— Je devine votre angoisse. C’est moi, moi, une jeune fille, hier encore ignorante de la haine, qui vous encourage au meurtre. C’est atroce, je le sens ainsi que vous, mais une fille doit venger son père ; vous-même me l’avez dit en m’offrant le secours de votre bras.
— C’est vrai ! gémit-il accablé.
— Eh bien ! l’heure est venue ! Moi qui ai accepté votre dévouement, je vous dis : Frappez !
Il fit non de la tête. Stella l’examina avec étonnement :