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LES SEMEURS DE GLACE

Stella, apaisée, avait repris sa place à la fenêtre.

Plus aucun bruit au dehors. Bateliers indiens ou noirs se sont endormis. Le fleuve roule silencieusement ses eaux, auxquelles la lune fait un caparaçon d’argent.

La chaleur est étouffante.

Au ciel stagnent des vapeurs légères, qui se réuniront plus tard pour engendrer le tornado (trombe). Un orage terrible se prépare, et dans l’air lourd, embrasé, la nature semble engourdie.

Cependant trois personnages veillent dans la salle basse. Olivio est là, avec Candi et Crabb.

Il tient à la main une sphère de verre, de la dimension d’une orange, emplie du liquide bleu pâle, tel celui que Jean Ça-Va-Bien trouva dans les ruines de l’usine Roland.

— Par cette chaleur, ce digne gratteur de diamants n’aura pas à se plaindre de nous : on lui assure une mort fraîche. Quelle sollicitude ! J’espère que, dans l’autre monde, il priera pour nous.

Ses complices rient silencieusement. Il reprend :

— C’est la lutte pour la vie. L’horreur des hommes pour le crime provient de la crainte de la douleur, de l’angoisse précédant le coup mortel. J’ai supprimé la cruauté du meurtre. Avec ceci, on ne se réveille pas ; je délivre l’âme immortelle sans douleur, l’extraction d’une simple molaire est plus difficile.

Consultant sa montre :

— Onze heures et demie. Tous les bateliers ?…

— Sont ivres, signore, explique Candi ; z’ai veillé à cé qu’ils bussent du gin, tant qu’il pouvait en entrer dans lé gosier dé ces facchini (drôles, faquins).

— Bien. Alors une fois l’opération faite, rien ne s’oppose…

— À cé qué nous zetions lé corps à la rivière. Idée zénialé dé Votre Seigneurie. Quand on lé trouve, pas oune blessure, pas oune égratignure ! L’onde emporté lé trépassé. La police dit : Povero, il s’est noyé. On