bordent sur les secondes leurs passagers et leurs marchandises.
Naturellement une osteria (auberge) est annexée au garage. Tous les alcools s’y donnent rendez-vous : mescal, aguardiente, gin, whisky, cognac, genièvre, viripe, y fraternisent, incendiant le gosier des Indiens Chiribatis, bateliers du haut fleuve, et des nègres Bonis, bateliers du cours inférieur.
Ce sont des cris, des discussions, où les couteaux prêtent souvent leur appui aux langues, des contestations à n’en plus finir.
Et durant que les mariniers s’invectivent, s’enivrent et procèdent lentement au transbordement des colis de toute nature, les passagers attendent patiemment, dans les chambres de l’osteria, le moment de poursuivre leur voyage.
Ce jour-là, la Botearia chômait.
Dans l’anse sablonneuse, un chaland ventru, amarré au rivage, se balançait lourdement sur l’eau clapotante.
Une dizaine de nègres Bonis, étendus à l’ombre, dormaient ou jouaient au cruzado (sorte de jeu de jonchets). Ils attendaient l’arrivée de pirogues du haut fleuve pour compléter leur chargement et redescendre vers la mer.
L’osteria, vaste bâtiment de bois, composé d’un rez-de-chaussée et d’un premier étage, était vide de voyageurs.
À travers les fenêtres sans vitres, on apercevait les moustiquaires enveloppant les lits de leurs rectangles blancs.
Évidemment, aucun étranger n’y résidait à cette heure.
Dans la salle basse sur laquelle s’ouvrait la porte, au milieu de tables et de chaises grossières, deux hommes buvaient, ayant auprès d’eux, l’un une bouteille de gin à l’étiquette anglaise, l’autre un flacon paillé de vin de Syracuse.