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mouvement des paupières. Mable eut beau se retourner, l’appeler le plus tendrement du monde, il ne vint pas. Et agacée, apeurée, sentant un mystère redoutable planer sur elle, l’Anglaise croyait entendre des pas furtifs parcourir le couloir, des voix assourdies murmurer :

— Sentinelles, prenez garde à vous.

Enfin l’aurore teinta de rose la vitre du hublot.

Avec la hâte que laisse l’insomnie, Mable se leva, se vêtit, et s’en fut réveiller mistress Elena, non sans s’être heurtée à un factionnaire.

La gracieuse blonde sursauta.

Elle commença par tancer vertement la grosse personne, qu’elle avait engagée, dit-elle, pour lui tenir compagnie durant la veille, et non pour abréger son repos.

Son impatience s’accrut encore quand Mable raconta piteusement les événements de la nuit.

— Vous avez la berlue, ma chère.

— Si votre bonté voulait jeter un regard en dehors, elle s’assurerait que je vois droit.

— C’est de la persécution.

Toutefois, devant l’insistance de son interlocutrice, mistress Elena se sentit ébranlée. Elle condescendit à endosser un peignoir et à passer la tête par la porte entre-bâillée.

Elle la retira aussitôt avec un petit cri de stupeur.

Miss Mable n’avait pas rêvé. Un matelot en armes montait la garde dans le couloir.

Ah çà ! que signifiaient ces mesures inusitées ? Le paquebot était-il en état de siège ? Craignait-on une attaque de pirates ?

Elena avait voyagé dans l’archipel de la Sonde, où les pirates malais font souvent parler d’eux, et dans son émoi elle transportait sur les côtes de l’Amérique du Sud les périls d’un autre hémisphère.

Après s’être farcie la cervelle de point d’interrogation sans réponse plausible, la gentille Saxonne se