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énumérées, à grand renfort de soupirs, pour se dispenser de faire, selon l’habitude, la lecture à sa maîtresse et se réfugier toute frémissante encore dans sa cabine.

Elle était là, mélancolique et grave, assise au bord de sa couchette gémissant sous son poids, et emprisonnant d’une main mal assurée ses cheveux, rares mais rouges, dans un bonnet de nuit.

Elle s’était dévêtue. Son corset, qu’elle accusait de l’oppresser, sa robe, gisaient à terre.

Pour être à l’aise, la bonne demoiselle avait adopté un bien simple appareil : une camisole plissée, un jupon de molleton.

Ses pieds, plus longs que des pieds anglais ordinaires, ce dont elle tirait parfois vanité, se prélassaient dans des mules qui, vu leurs dimensions, rappelaient plutôt des hottes couchées que des chaussures.

De temps à autre, ses mains descendaient de sa tête à son abdomen, sur lequel elles se croisaient en un geste exempt de grâce, mais rempli d’inquiétude. Puis Mable monologuait :

— Le diable de Bedlam tire les pieds au mauvais plaisant qui m’a causé tant de tablature. Le mauvais drôle, au cœur de métal, a jeté le trouble dans l’heureuse harmonie de mon être. Mes esprits sont en renversement et mon dîner ne passe pas. Cela est inconcevable l’action d’un mécontentement sur la digestibilité. Mon appétit, il est petit. Comment un dîner de fauvette, pauvre petite chose gentille, peut-il incommoder ma personne paisible et pondérée ?

Sans doute l’abjuration toucha le repas incriminé, car la demoiselle de compagnie se remit à sa coiffure. Son visage s’était rasséréné.

Mais ses yeux se portèrent sur sa montre, une grosse montre d’argent avec des myosotis peints sur le cadran, et de nouveau ses sourcils se froncèrent.