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Elle s’empara d’un rocking et alla s’asseoir à deux pas de l’Anglaise.

Celle-ci discutait toujours avec sa demoiselle de compagnie. Quelques mots arrivaient aux oreilles des jeunes gens.

— Vivre sans se nourrir est impossible.

— Oh ! chère mistress, pouvez-vous être aussi matérielle ?

— Question de bon sens.

— Moi qui me contente de la ration d’un petit oiseau.

— Si vous prenez l’autruche pour un petit oiseau, je serai de votre avis.

— Autruche ! Vous faites la comparaison entre, moi et l’autruche ! Oh ! shocking !

Et des paupières de l’opulente Mable jaillirent deux grosses larmes, qui roulèrent sur ses joues rubicondes, telles des gouttes de pluie sur une pivoine de la dimension d’un chou.

Jean et sa compagne échangeaient des sourires moqueurs ; mais hélas ! leur expédition n’en avançait pas d’un pas.

Malgré le ton animé de l’entretien, Mrs. Elena ne quittait pas son réticule. Sa main blanche et fine pendait sans mouvement, sans soubresaut, à son côté. C’est à peine si ses doigts effilés froissaient légèrement les poignées de soie.

Elle était de ces Anglaises qui peuvent manifester l’impatience, voir la colère, sans un geste, sans une augmentation du volume de la voix.

Les jeunes gens, les yeux rivés sur l’objet de leur convoitise, durent bientôt s’avouer que la blonde Elena ne leur procurerait pas l’occasion de débarrasser son réticule.

Alors ils changèrent de tactique.

Jean se glissa entre les rocking-chairs de Stella et de la petite lady anglaise, puis s’asseyant sur les talons, comme pour causer plus commodément avec