— Ne m’interrompez pas, et surtout de ne pas ajouter la mention lu et approuvé à des factums comme celui-ci.
Et de son Horace, qui l’avait recelé jusqu’à cet instant, Louis tira un papier.
— Voyez, Charles, c’est bien vous qui avez approuvé ceci. Vous ne renierez pas votre écriture.
— Non certes, Sire ; mais c’est par surprise.
Le frère du roi semblait être sur des épines. Il y avait en lui de la honte et de la colère. Comme un enfant, il souffrait d’être pris en faute et de ne pouvoir nier.
— Ah ! c’est une surprise, reprit le roi avec un soupir. Alors, Charles, je vous pardonne, seulement je veux vous donner lecture de ce que l’on vous a fait signer, afin que vous preniez garde à l’avenir.
— Inutile, grommela d’Artois.
— Si, si, j’y tiens beaucoup.
Et changeant de ton, Louis ajouta :
— Cela s’appelle le Testament de Bonnet. Écoutez cette poésie.
Je lègue aux enfers mon génie,
Mes exploits aux aventuriers,
À mes partisans l’infamie,
Le Grand Livre à mes créanciers,
Aux Français l’horreur de mes crimes,
Mon exemple à tous les tyrans,
La France à ses rois légitimes,
Et l’hôpital à mes parents[1].
Le roi se tut. Il interrogea ses auditeurs du regard. Tous avaient baissé les yeux. Il eut un vague sourire :
— Je vois, conclut-il, que vous êtes de mon avis. Ce n’est pas par de pareils libelles que nous arriverons à l’apaisement des esprits.
Puis son scepticisme naturel reprenant le dessus :
— On ne prend pas les mouches avec du vinaigre. Si nous-mêmes parlons de Napoléon avec la déférence due à un grand vaincu, ses partisans n’auront plus de raison pour nous faire pièce en acclamant son nom. S’ils se laissent aller d’ailleurs à des cris ou à des manifestations séditieux, l’immense majorité de la population sera avec nous. C’est la paix, la paix sociale d’abord, qu’il convient d’assurer.
— Il ne nous reste plus qu’à offrir, aux Tuileries, un appartement à l’ogre de Corse, s’écria étourdiment la duchesse.
- ↑ Extrait de la collection du Journal du Paris, 1814.