Ils avaient pensé surprendre les habitants de la Maison Carrée, et ils avaient l’impression d’avoir été annoncés, d’être attendus.
Sans doute on les avait vus venir.
Mais, tandis que leur esprit se livrait à ce travail ardu de la compréhension, Lucile chantait, un vague sourire aux lèvres, et sa voix douce, inconsciente comme celle d’un petit enfant, emplissait l’air d’ondes caressantes.
Elle chantait la Demande en mariage au clavecin, cette mélodie surannée et charmante que les émigrés avaient emportée dans l’exil, telle une fleurette fanée de France, tel un parfum éventé de l’ancien régime.
— Corinne était au clavecin,
Modulant un couplet mutin,
Quand, sur le seuil blanc de sa chambre,
Pimpant, parut le beau Léandre.
Sur le clavecin
Trembla la main
Fine
De Corinne.
Il approcha, le gai luron,
Et se penchant vers le tendron :
— Ma mie, ô gué, ardez mon âme,
Car vos beaux yeux sont yeux de flamme !
Sur le clavecin,
Courut la main
Fine
De Corinne.
— Si ne voulez point mon trépas,
Ô belle, ne répondez pas,
Si ce n’est pour répondre : Amen !
À qui vous vient parler d’hymen.
Sur le clavecin
Bondit la main
Fine
De Corinne.
— Cupidon, pour logis, sans cris,
Mon pauvre cœur entier a pris.
Dites-moi votre préférence :
Mon bonheur ou… votre romance ?
Loin du clavecin
S’en fut la main
Fine
De Corinne.