Pour la troisième fois de la journée, le jeune homme raconte son odyssée. L’Empereur écoute, frappant de petits coups amicaux l’épaule de son interlocuteur.
— Bien ! Tu es la bravoure française même. Tu le vois, j’ai pris mes précautions. Grouchy déjouera les projets de Blücher et, si le Prussien réussit à me joindre, ce que je souhaite, ce sera seulement après la destruction de l’armée anglaise.
Milhuitcent écoute charmé ces paroles confiantes :
— Sire, demande-t-il, vous exprimez bien toute votre pensée ?
— Avec toi, mon brave et fidèle enfant, je pense tout haut.
L’adolescent s’incline, ému jusqu’aux larmes par cette réponse.
— Merci.
Puis d’une voix qui tremble légèrement :
— Alors deux combattants ne feront pas faute à Votre Majesté ?
Napoléon accueille la question par un geste étonné.
— Deux combattants. De quels combattants s’agit-il ?
— De moi, Sire, et du commandant Marc Vidal.
— Ah !
Et secouant la tête en homme étonné de ne pas comprendre le sens de la requête qui lui est adressée, l’Empereur reprend :
— Tu veux déserter la bataille, tu veux que Marc Vidal cède à un autre le commandement de son bataillon ?
— Et vous nous y autoriserez, Sire.
— Parbleu ! Voilà une plaisante assurance.
— C’est que je crois en la parole de Votre Majesté.
Napoléon frappa du pied :
— Ma parole à présent. Voyons, explique-toi, si tu tiens à ce que je te comprenne.
Avec une tendresse passionnée, l’adolescent saisit les mains de l’Empereur.
— Sire, vous m’avez promis de me rendre ma sœur Lucile, le jour où la victoire de la France serait certaine.
— C’est vrai, eh bien ?
— Vous venez de m’affirmer la certitude de vaincre.
— Oui encore.
— Or, en dehors de votre aile gauche, sur le ruisseau de Mollenbecke, se trouve la Maison Carrée, prison de Lucile. Ses gardiens sont là ; ils ont certainement préparé leur fuite au cas où Wellington plierait. Si j’attends la fin du combat, ma sœur sera loin ; de nouveau je l’aurai per-