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La Jeune et la Vieille Garde se porteront au delà de Ligny, traverseront le ruisseau à l’abri des arbres qui le bordent et viendront prendre les Prussiens à revers.

Le mouvement commence à s’exécuter, lorsque Vandamme, à bout de forces, fait demander du renfort.

Rien ne surprend l’Empereur.

Devant ce nouvel incident, il change encore ses dispositions.

— Que la Jeune Garde soutienne Vandamme. La Vieille Garde seule exécutera la marche sur le flanc de l’ennemi.

Et comme un jeune officier, surpris par cet ordre, murmure :

— Cela fera bien peu d’hommes pour une diversion aussi importante.

Napoléon sourit et répond :

— Dans une manœuvre de ce genre, l’élément de succès n’est pas le nombre, mais la surprise.

À la baïonnette, la Jeune Garde pénètre dans Saint-Amand, refoule sur le plateau les troupes de Blücher.

Tandis que toute l’attention des combattants se porte sur ce point, tandis que le feld-maréchal croit voir dans l’entrée en lice de ces soldats d’élite une suprême tentative, la Vieille Garde tourne Ligny.

Les six bataillons de grenadiers, dont se compose la colonne, franchissent le ravin, le ruisseau, et sur la berge opposée, s’arrêtent un moment pour se reformer, avant d’escalader la rampe du plateau, où sont rassemblées les dernières réserves de Blücher et toute la cavalerie ennemie.

Ils ont été aperçus.

Une grêle de balles les assaille. Mais les « grognards » méprisent la mort, et, sous le feu, impassibles, ils rectifient leur alignement.

Une erreur des cavaliers allemands leur donne presque aussitôt l’occasion de rendre coup pour coup.

Se souvenant mal à propos qu’en 1814, à la Fère-Champenoise, quelques escadrons ont fait mettre bas les armes à plusieurs bataillons de gardes nationales, les Prussiens arrogants confondent les grenadiers avec ces troupes sans consistance, levées en toute hâte dans une heure de péril national.

La cavalerie s’ébranle pesamment, vient vers la garde, comptant que cette seule démonstration va lui assurer la victoire.

Le réveil est cruel.

— Formez le carré !

À ce commandement, les grognards évoluent, les bataillons se transforment en forteresses, hérissées de baïonnettes :