C’était Napoléon qui lançait ces interrogations étonnées.
Espérat salua et modestement :
— Les renseignements de Campbell viennent de moi, Sire.
— De toi ?
— Oui, il m’a couvert de guinées pour que je réponde à ses questions. J’ai répondu en présentant Madame la Comtesse, sous le nom de baronne de Rœmer, veuve et très dévouée à Bernadotte.
Napoléon ne put se tenir de rire :
— Quel a été ton but ?
— La présence de Campbell ne gêne-t-elle pas les projets de Votre Majesté ?
— Si, mais en quoi tes imaginations peuvent-elles m’en délivrer ?
Milhuitcent adressa un regard suppliant à Mme de Walewska.
— C’est ce que j’aurai l’honneur de confier à Mme la comtesse, si elle daigne m’entendre. Sur son approbation, je vous dirai ce que j’ai rêvé.
L’Empereur ne put réprimer un geste d’étonnement :
— Quoi ? Tu me mets en tutelle ?
Espérat joignit les mains :
— Oh ! Sire, ne pensez pas cela. Mais réfléchissez, je suis pour vous le petit soldat fidèle donné par la France ; elle est l’amie donnée par Dieu. Elle ne peut blâmer ce que je suis prêt à faire…, avec son aide.
L’Empereur s’inclina. Quant à Mme de Walewska, elle tendit la main à l’enfant.
— Ce que tu as décidé s’accomplira. Tu es noble et j’ai foi en toi. Et puis, j’ai juré de me séparer de mon fils, si j’échouais auprès de l’Empereur. La mère te remercie d’avoir travaillé à lui conserver son enfant.
La scène avait une grandeur étrange. Napoléon hocha la tête, puis revenant à Mme de Walewska :
— Continuez, Madame, continuez.
La Comtesse reprit la lettre de Campbell.
« Une tyrannie odieuse m’interdit de vous approcher dans cette île, où la faiblesse de l’Europe donne l’illusion du pouvoir à l’homme qui a fait le malheur du monde.
— Quelle tyrannie, demanda l’Empereur sans prendre garde au reste de la phrase prononcée ?
— Toujours mes renseignements, expliqua Milhuitcent.
— Bien, bien, poursuivons.
Mme de Walewska acheva sa lecture :