— Je ne veux pas renoncer aux baisers de mon fils.
Ce n’était pas l’Empereur, c’était le père qui affirmait sa résolution.
Mme de Walewska joignit les mains. Elle priait. Elle avait réveillé l’Aigle.
Résigné tout à l’heure, Napoléon, frappé en son affection, était brusquement redevenu l’homme d’autrefois, l’homme d’action qui imprimait une activité fébrile à tout ce qui l’entourait.
Il vint à la comtesse.
— Je comprends, c’est bien. Vous avez pensé : c’est par le cœur du père que j’arriverai à l’esprit de l’Empereur. Il fallait être la femme que vous êtes pour songer à cela. Vous avez réussi.
Les phrases se heurtaient sur ses lèvres avec un cliquetis de mêlée.
— Vous avez raison… Se venger du souverain, le renverser, voilà le droit du vainqueur… Torturer le père, c’est trop… La France m’appelait ; je restais sourd à sa voix… Qu’elle soit pacifique et prospère, pensais-je, et que seul je supporte la torture… Je me trompais. Déchirons le père,… et après, débarrassé de celui qui a fait la France grande entre les nations,… nous écraserons la France à son tour.
Et avec un calme effrayant :
— Qu’importe aux Bourbons de régner sur un pays diminué, pourvu qu’ils règnent. La France, est-ce qu’ils l’aiment, eux dont l’existence entière s’est passée à l’étranger, à exciter l’étranger contre la patrie. Dans leurs veines, il n’y a plus une goutte de sang français…
Il marchait de long en large dans la salle, comme autrefois dans son cabinet des Tuileries, alors qu’il concevait un plan de victoire.
Il était inquiétant et admirable.
En lui vibrait une colère de lion.
Il s’arrêta en face de la comtesse et d’un ton adouci.
— Dites-moi tout, Madame, tout. Vous êtes l’amie fidèle qui n’a jamais menti. Parlez, je vous croirai.
De son corsage, elle tira un papier qu’elle lui tendit :
— Qu’est cela ?
— Lisez.