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Mais Gravelotte haussa les épaules :

— Une fois l’oncle en liberté, rien ne m’empêche de reprendre mon idée. On meurt à Sumatra tout aussi facilement qu’à Paris.

— Plus facilement même, tu as raison. Dès lors, il n’y a plus qu’une difficulté.

— Laquelle, je te prie ?

— Nous rendre à Sumatra.

— Eh bien ?

— Eh bien, notre addition payée, tu l’as dit toi-même, il nous restera quatre francs vingt-cinq centimes ; c’est court !

Cette fois, Albin baissa la tête.

La réflexion de son compagnon était juste. Tout à l’idée de dévouement éclose en son cerveau, le jeune homme se sentait arrêté, avant même le départ ; un obstacle en apparence insurmontable se dressait devant lui.

Certes, s’il avait eu le temps, il ne se fût pas découragé. Bien d’autres avant lui avaient voyagé sans argent.

Mais ici, il fallait devancer des adversaires qui allaient gagner Sumatra par les voies les plus rapides, partant les plus coûteuses.

Il devenait donc indispensable de se procurer au bas mot une dizaine de mille francs.

Vraiment le problème paraissait insoluble.

Toutefois, après un quart d’heure de silence, Albin montra à son ami un visage illuminé par la joie.

Un doigt sur les lèvres, il empêcha Morlaix de le questionner, lui fit signe de prendre sans bruit son chapeau, sa canne, et de le suivre.

Tous deux quittèrent, à pas de loup, le cabinet 24.

Une fois dehors, Albin régla l’addition, remit le pourboire à Baptiste, très étonné de l’insuccès de ses manœuvres microphoniques, puis tranquillement, les jeunes gens descendirent l’escalier, traversèrent le rez-de-chaussée et posèrent enfin le pied sur l’asphalte du boulevard.

Alors Gravelotte empoigna le bras de Morlaix et l’entraîna rapidement.

– Où allons-nous ? questionna celui-ci.

– Faubourg Montmartre.