mais vous pouvez procéder à cette opération soit avant de nous documenter, soit après…
— Après ? fit en écho le télégraphiste stupéfait.
— Oui, et vous allez comprendre de suite pourquoi cette dernière solution, mettant en lumière votre loyalisme et vos qualités d’initiative, vous donnera droit aux félicitations de vos supérieurs, et sans doute, à un avancement rapide.
L’avancement ! Ce mot a dans les administrations du monde entier des vertus identiques à celles du : « Sésame, ouvre-toi ! » de la légende.
— Si vous télégraphiez avant, poursuivit imperturbablement le Français, nous perdrons plusieurs heures à attendre la réponse. Durant ce laps, ce qu’il importe au salut du gouvernement d’empêcher s’accomplira peut-être.
— C’est vrai.
— Si, au contraire, vous nous éclairez d’abord, nous agissons à l’instant même. L’attente de la réponse n’a plus d’inconvénient, et nous ne manquerons pas de faire ressortir que nous devons le succès de notre mission à votre promptitude de décision.
Du coup, l’employé n’hésita plus.
— Questionnez, monsieur, dit-il.
Morlaix ne se fit pas répéter l’invitation.
— Vous avez remis une dépêche à un voyageur, il y a maintenant une heure quarante.
— Oui.
— Le nom du voyageur n’était-il pas Oraï ?
— Si, si, seigneur. Par le nom même que vous lavez prononcé, je vois que vous êtes bien au courant.
— En effet, nous devons rejoindre ce personnage et l’arrêter. Le télégramme émane certainement d’un complice, et nous avons besoin d’en connaître la teneur.
— Rien de plus facile, monsieur ; nos bandes télégraphiques sont doubles, avec interposition de papier communicatif. Un exemplaire de toute dépêche est donc gardé au bureau, pour être versé à l’administration centrale.
Ce disant, le commis, définitivement conquis, ouvrait un buvard sous-main, y choisissait une de ces étroites bandes roses (et non bleues comme celles de France) du service javanais, et la tendait à son interlocuteur.