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— L’aloès prescrit la défiance. J’aurai à vous parler.

Silencieusement, il répondit par un signe de tête que l’avertissement était compris. 

— En avant ! ordonna Albin.

— En première vitesse pour la traversée de la ville ?

La question du mécanicien, — un brave Hollandais carré, trapu, ayant ce teint clair que donne à ses compatriotes l’alimentation à base de lapin aux pruneaux et de genièvre Schiedam, — fit sursauter Gravelotte.

— Aussi rapidement que possible.

— Bien, monsieur ! La corne meugla, le moteur entra en trépidation, et lentement l’appareil se mit en marche, accélérant peu à peu sa vitesse.

Ce fut une course à travers la ville.

Palais, jardins, canaux, avenues ombrageuses filaient en sens inverse. Sur le passage de l’auto, aux croisements de voies, la trompe mugissait ; les piétons, indigènes ou autres, gagnaient au large en se bousculant, pour éviter la bousculade du véhicule ; les voitures s’arrêtaient, les poneys se cabraient en dépit des hurlements des cochers.

L’industrialisme de l’Occident, brutal, tapageur, essoufflé, bouleversait l’indolence d’un peuple somnolent au pays du soleil.

Puis, une porte se présenta, gardée par des soldats en sarongs verts, uniforme de la milice urbaine. La voiture franchit le porche, et, se lançant à toute allure sur la route de Samarang, laissa l’agglomération de Djokjokarta en arrière.

Personne ne parlait.

Emportés à travers un tourbillonnement d’air, tous subissaient le vertige de la vitesse.

Arbres, poteaux télégraphiques, buissons, cabanes, passaient tels des boulets suivant comme trajectoires des parallèles à la route.

De temps à autre, on apercevait au loin une charrette attelée de bœufs, des mulets portant un palanquin. Alors la trompe déchirait l’air de ses rugissements. Les voyageurs avaient l’impression d’entendre la voix de l’animal apocalyptique qui les entraînait an un mouvement de tempête.