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CHAPITRE X

LE BALCON DE CYRANO ET LE CHEMIN DE FER


Dix heures du soir.

Les torches de bois de hedrix, cet arbre résineux qui croît sur les hauts sommets de l’île, et dont les Javans des classes inférieures se servent comme de luminaire, se sont éteintes les unes après les autres dans un poudroiement d’étincelles, dans un flocon de fumée fuligineuse.

Les palefreniers dorment sous les remises, les serviteurs au fond de la cabane principale du relais.

Dans la nuit transparente, des vols de mouches à feu se croisent en zigzags verts, bleus, rouges ; au ciel, les myriades d’étoiles se sont allumées.

Un bruissement de feuilles caressées par la brise descend des hauteurs boisées, traversé parfois par le sourd rauquement d’un félin en chasse, le bramement aigu du cerf nain, ou la plainte stridente du cochon sauvage surpris par le caïman.

Des parfums flottent dans l’air ; la terre, surchauffée durant le jour par le soleil ardent de l’équateur, expire maintenant des buées tièdes, toutes chargées de senteurs capiteuses.

Il y a comme une griserie dans l’atmosphère. Il semble que la nature se sente femme et femme élégante ; que toute l’île de Java distille en son honneur les arômes les plus subtils, les essences les plus odorentes.