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des grands steamers, établissant un service régulier avec l’Europe. Vous vous trompez, c’est beaucoup plus compliqué que cela.

« Le jour est venu de vous apprendre pourquoi, depuis quinze années, je prends la précaution de vous envoyer mes bénéfices, à charge par vous de les déposer, à mon nom, dans un établissement de crédit absolument sûr. Plusieurs fois, vous avez émis cette réflexion que j’aurais pu, plus simplement, effectuer moi-même ces dépôts à la Banque Néerlandaise de Batavia. Je ne répondais pas à vos insinuations. Aujourd’hui, vous saurez tout. La fortune qui dort en France maintenant me permettra d’y vivre tranquille, quand vous m’aurez aidé à sortir des mains des Sumatriens et des Hollandais dont le riche planteur est et demeure le prisonnier. »

— Comment ? l’oncle François, prisonnier ?

Un coup de pied, qui lui meurtrit le mollet, arrêta la parole sur les lèvres de Gravelotte.

C’était son domestique ami qui le rappelait aux lois de la prudence.

— Animal, fit-il d’un ton étouffé, tu me fais mal !

— Sois heureux que je ne te puisse doucher, plaisanta l’interpellé.

— Me doucher ?

— Traitement recommandé pour les fous.

— Ah çà ! tu frappes et tu prétends ?…

— Que celui qui parle quand il convient de se taire est un toqué. Doublement toqué, s’il parle en vers.

— En vers ? répéta Albin, stupéfait.

— Sans doute. N’as-tu pas dit « Animal, tu me fais mal » ?

À cette sortie, la jambe du jeune homme s’agita de menaçante façon. Sans nul doute Gravelotte avait envie de considérer la ruade de son domestique comme un prêt, et de la lui rembourser sans tarder, intérêt et capital ; mais la voix de Fleck rappela son attention.

« Oui, prisonnier, lisait le gros personnage, prisonnier. C’est mon histoire que je vais vous conter. »