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Pour toute réponse, Albin haussa les épaules.

— Tu ne comprends donc pas ? insista le domestique ami.

— Si, je comprends.

— Eh bien, alors ?…

— Alors, cela m’est égal.

Morlaix cessa aussitôt de gesticuler, et reprenant son habituelle insouciance :

— Au fond, tu sais, je m’en fiche également.

Toutefois, après un silence, il reprit :

— Enfin, tu abandonnes la cause de ton oncle ?

La question fit tressaillir son interlocuteur. Non certes, Albin n’abandonnerait pas la cause de l’oncle François. Il s’était engagé à tenter l’impossible pour lui rendre la liberté… Il tenterait cet impossible ; mais pouvait-il s’éloigner à cette heure où, là-bas, dans cette chambre que voilait le store tiré, gisait cette jeune fille inconnue ?

En quelques mots, il conta à Morlaix son expédition nocturne. Sans défiance à l’égard d’Oraï, il croyait en avoir rapporté ce précieux renseignement : la jeune fille était Américaine et voyageait pour son agrément.

Avec une grimace, Morlaix murmura :

— Elle est riche ; tu ne possèdes rien… Et puis surtout, il y a ton oncle !

Ces trois membres de phrase disaient clairement l’abîme creusé entre Albin et le rêve ébauché.

Le jeune homme le sentit.

Non sans effort, il se leva :

— Tu as raison, je m’égare. Soldons notre note et… en route pour Djokjokarta.

Avec un soupir qui teintait de mélancolie l’exclamation, burlesque en sa forme :

— Avoir tant de fiancées, murmura-t-il, et devoir renoncer à la seule qu’il me serait agréable de dénommer ainsi.

Vers cinq heures quarante-cinq minutes, les deux amis se trouvèrent prêts, leurs valises bouclées, leur note acquittée.

Un serviteur, mandé par eux, venait de partir en courant avec mission de ramener une voiture.

Et Albin, pensif, accoudé à la fenêtre, utilisait ces