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peaux, constataient avec ahurissement que leurs voiles verts étaient devenus bleus.

— Les nuits tropicales ont d’étranges surprises, modula la demoiselle de compagnie.

— Étranges, en vérité, fit en écho la gentille mistress, tournant et retournant sa coiffure, comme si elle avait espéré, par ce mouvement giratoire, rendre à son voile sa couleur primitive.

Un coup discret, frappé à la porte, coupa court à cet échange d’étonnements. Oraï entra, et froidement :

— Six heures moins un quart : la voiture attend.

D’un même geste, elles tendirent leurs chapeaux vers le faux douanier.

Celui-ci sourit :

— C’est très bien ainsi.

— Très bien, s’écria Mrs. Doodee, en piaffant positivement d’impatience ; mais une Anglaise ne saurait porter le voile bleu des Américaines.

— Ni deux Anglaises non plus, appuya Grace.

Oraï approuva de la main.

— C’est juste, fit-il.

— Ah ! vous le reconnaissez ! s’exclamèrent les voyageuses.

— Absolument. Mais je ne vois pas en vous des Anglaises !

— Hein ?

Médusées par cette audacieuse affirmation, elles s’étaient redressées, hautaines, agressives, foudroyant leur interlocuteur du regard.

Il n’y prit pas garde. Sans doute cette forme optique de l’électrocution lui était indifférente, car il continua paisiblement :

— Pour moi, vous êtes Américaines.

— Nous ?

— Ordre de mon gouvernement.

Toutes deux demeurèrent saisies, bouche bée. Cela devenait affolant. Changer de nationalité en même temps que de chapeau ; être ballottées entre un voyage dans l’inconnu ou la sinistre solitude des cachots.

Vraiment, elles n’avaient jamais soupçonné que le gouvernement hollandais fût un aussi mauvais gouvernement.