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reurs, Eléna bondit hors de son lit. Elle courut à celui de sa compagne, ôta rudement l’oreiller qui supportait la face ronde de Grace et le lui appliquant sur la bouche :

— Taisez-vous ! Taisez-vous ! Vous plongez mes oreilles dans la cacophonie.

À cette virulente apostrophe, toute autre personne se fût éveillée en sursaut. Mable, elle, avait le sommeil profond, privilège de l’innocence et de l’obésité.

Elle murmura sans ouvrir les yeux, disant ainsi le songe qui berçait son âme engourdie :

— Oui, oui, deux ou trois poulets, un petit cochon de lait et la moindre chose avec… Mon appétit ne va pas au delà !

Même en songe, le petit oiseau se capitonnait l’estomac !

La phrase abattit la colère d’Eléna. Le sourire reparut sur les lèvres de la blonde Anglaise.

La gaieté désarme. Ayant ri, elle se sentit disposée à la clémence.

— Après tout, si je l’éveille, si je lui dis ce que j’ai pensé entendre, elle m’effraiera davantage, car son héroïsme n’est pas plus confortable que le mien.

Et s’éloignant du lit :

— Que je retire la clef ; c’est cette clef laissée sur la porte qui a sûrement troublé mon repos.

Légère comme un souffle, ses petits pieds glissant sur le plancher sans aucun bruit, elle gagna l’entrée, prêta un instant l’oreille.

Nul bruit dans le corridor.

— C’est une hallucination que j’ai eue.

Elle ouvrit, tâtonna de la main à la recherche de la clef.

Hélas ! ses transes lui revinrent aussitôt.

La clef avait disparu.

D’un mouvement brusque, irréfléchi, Eléna repoussa le battant, regagna son lit dans une course éperdue, et se replongea sous les draps.

Combien de temps demeura-t-elle ainsi, dans les affres d’une suffocation tremblotante ? Eléna n’aurait su le dire.

Elle n’entendait plus. Ses tempes battaient. Des bourdonnements emplissaient ses oreilles.