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Il se tut. L’organe de la dame de compagnie se faisait entendre de nouveau.

— Moi ! moi ! Vous êtes sûr ?

— Ah ! si vous aviez vu mon émoi quand je vous ai reconnue ce matin, vous ne douteriez pas.

— Quoi ? Vous songeriez à m’épouser ?

— Au retour de notre voyage, si vous y consentez.

— Alors, vous me trouvez aimable ! murmura Patorne, perdant la tête devant l’hommage rendu à ses charmes.

Elle méritait d’être excusée, la pauvre laide, car jamais elle ne s’était trouvée à pareille fête. La réponse de son interlocuteur fut géniale.

— Si je vous trouve aimable… je ne sais pas. Depuis dix ans, je vous espère. Votre image m’accompagne sans cesse. Je suis « possédé » par vous. Tout ce qui n’est point vous m’apparaît dépourvu… je ne dirai point de grâce, de beauté ; ce sont là des mots qui n’expriment rien… Non, vous êtes pour moi l’essence même du bonheur, une émanation des combinaisons mystérieuses d’un inexplicable infini. Nos esprits furent créés pour se joindre, une immatérielle chaîne nous lie.

— Bravo ! souligna Dick Fann, ce pathos est irrésistible !

Mme Patorne jugeait sûrement de même, car elle soupira :

— Oui, oui, je sens que vous dites vrai… Je veux oublier le nom que m’a légué mon défunt, lequel, je le comprends, hélas ! fut une erreur de mon esprit. J’ai un prénom que nul ne prononça jamais. Pour vous, je veux être ce prénom-là.

— Dites-le, murmura Larmette d’une voix dévotieuse.

— Rosita.

— Oh ! fit-il avec chaleur, soyez donc ma Rosita, comme je serai votre Victorien.

En une seconde, Dick Fann eut décroché son microphone, roulé les fils et réintégré le tout dans sa poche, puis, glissant sur le parquet sans produire aucun bruit, il gagna la porte et s’alla verrouiller dans la chambre qui lui avait été attribuée.

Le soir même, Dick lui-même, sous son nom de Frachay, eut à subir les amabilités du joaillier.

Celui-ci, attablé avec l’ingénieur Botera et son se-