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aurait lieu le lendemain. L’ingénieur métis Botera, qui avait donné son nom à la voiture de Larmette, l’y suivit.

Mais si vite qu’il se fût mis en route, le métis ne put faire que sa machine, plus volumineuse et plus lourde que la de Dion, fût garée aussi rapidement. Et Frachay s’éloigna, le laissant à la tente des transatlantiques. Pour lui, il pressa sa marche et regagna l’hôtel Frascati.

Comme il arrivait à la grille d’entrée, Fleuriane se présenta à ses yeux.

— Imprudente ! fit-il sourdement.

Elle secoua la tête.

— Non, Larmette nous a fait porter des fleurs encore… Il fait le joli cœur avec Patorne.

Elle avait souri en prononçant ces mots.

— Alors, vous comprenez son jeu ? questionna Dick d’une voix légère comme un souffle.

La jeune fille eut un geste vague.

— Bien simple, cependant. Il achète votre entourage. Bouquets et galanteries avec Mme  Patorne, la pauvre femme doit être ravie…

— Dites transportée.

— La pièce à Jean ; cigare et poignées de mains à votre mécanicien. Tout cela le plus simplement du monde ; on dévisse un écrou ; on le jette dans le fossé ; on demande aide à la voiture qui suit et, le mal réparé, on se montre tout à fait reconnaissant. Qui ne serait touché du procédé ?

Mais, changeant de ton :

— Ceci vous prouve que notre adversaire est très fort. Donc, redoublez de prudence et, surtout, ne cherchez plus à me rencontrer comme en ce moment. Je vous en prie, mademoiselle, laissez-moi le soin de me trouver sur votre passage quand je le jugerai opportun.

Fleuriane le regarda bien en face et dit seulement :

— J’obéirai.

— Merci, mademoiselle. Je tiens à vaincre, je vous le jure… Pardonnez-moi si je dois commander.

Et il passa, sans qu’elle cherchât à le retenir, éprouvant un état d’esprit dont elle se sentait stupéfaite.

Elle, la Canadienne librement élevée à l’américaine, elle pour qui, jusqu’à ce moment, vivre signifiait agir