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— Cela est insensé. Voyons, mes deux rossignols, à qui j’avais préparé ce soir un succès de chant ? Pira ?

— Malade, barine.

— Livine ?

— Malade.

— Ça, grommela le vice-gouverneur, qui ne craignait pas parfois une douce trivialité, ça c’est plus difficile à avaler qu’un verre de vodki.

Et tous les visages exprimant une admirative approbation pour cette pensée si juste, il poursuivit :

— Voyons, Yégor, tu n’es pas ivre, n’est-ce pas ?

— Pas du tout, Excellence. Quand je suis de service, je ne bois jamais.

— Je sais, je sais. Tu es un bon soldat. Alors, réponds clairement. Voilà une maladie qui s’abat d’un coup sur tout l’institut des Nobles Barines. Il est inadmissible que la pension de la noblesse soit aussi maltraitée. Si les filles des fonctionnaires et seigneurs sont ainsi atteintes, il n’y a plus de gouvernement possible, à moins que l’épreuve ne soit envoyée par le Très-Haut. C’est de cela qu’il importe de s’assurer.

Il prit le ton d’un juge conduisant une enquête pour demander :

— Quand ce malaise subit a-t-il atteint les nobles élèves et leurs professeurs ?

— Après le déjeuner sur l’herbe à Bjorsky, Excellence.

— Après le déjeuner ?

— Oui, Excellence ; on avait choisi la jolie clairière, où est la statue de bois de Nicolas Slavarède, qui pousse les fiancés vers les jeunes filles ayant la dévotion du grand saint.

— La clairière Nicolas ?

Une voix stupéfaite répéta ces trois mots. Les assistants se regardèrent. Qui avait parlé ? Sur tous les visages, la même expression questionneuse. Le comte Aïarouseff ouvrit la bouche pour inviter l’auteur de l’exclamation à indiquer le sens de son cri. Mais Nège ne le lui permit pas. Elle voulait savoir comment ses camarades allaient être privées du plaisir de la voir dans tout le rayonnement de sa gloire. Que lui importait le reste !

— Continue, Yégor, dit-elle d’un ton décidé, coupant la phrase prête à jaillir de l’auguste bouche de son père.

Et Yégor, obéissant à la fille du gouverneur comme au gouverneur lui-même, reprit :

Les barines se sont assises en cercle. Elles ont