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Les quatre voyageurs étaient à présent prisonniers sur une plate-forme d’environ cinquante mètres de long sur vingt de large, cernée par des pentes presque verticales dominant la mer de quarante mètres.

Et toujours le courant les entraînait. Déjà l’île Diomèdes ne se devinait plus que comme une brume grise à l’horizon.

On descendait vers le sud, vers les régions plus chaudes. Peu à peu l’iceberg allait fondre sous les pas de ceux qu’il maintenait suspendus au-dessus de l’abîme. Chaque jour serait une agonie les rapprochant du terme fatal. Ils mourraient à petit feu.

Le mot, prononcé par Jean, les fit rire d’un rire affolé, grelottant.

À petit feu, sur un morceau de glace  ! Oui, cela avait l’apparence d’une plaisanterie sinistrement macabre ! Et dans cette voie, ils persévérèrent, avec la joie maladive qu’éprouve à tourmenter sa douleur l’homme que l’espérance a abandonné.

Qu’importait la fonte de l’iceberg ? Ne seraient-ils pas morts avant ce bloc glacé ? Est-ce que la faim, la soif n’auraient pas accompli leur œuvre ?

Car, sauf trois biscuits conservés dans son bissac, par M. Defrance, ils ne possédaient ni vivres ni boisson.

Trois biscuits pour quatre naufragés, emportés sans résistance possible dans les solitudes de la débâcle de la mer de Behring !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

À cette heure même, sur la côte asiatique sibérienne, parmi les rocs bas d’East-Cape, Fleuriane, à genoux, les bras tendus vers les îles Diomèdes, appelait au milieu de sanglots son père et Dick Fann.

En arrière d’elle, auprès de l’automobile Botera qui avait pu atteindre la rive un peu avant la dislocation des champs de glace, Larmette se tenait, sombre, les sourcils froncés.

Une fois en sûreté, il avait voulu rassurer sa prisonnière.

— Mademoiselle, lui dit-il, parvenu à Vladivostok où, comme les autres concurrents de la course Paris-New-York-Paris, j’étais censé devoir emprunter la route, le tract qui suit le chemin de fer transsibérien, j’ai remonté vers le nord. Je voulais vous tenir en mon pouvoir. Vous êtes l’otage : pour être libre, indiquez-moi en quel endroit réside votre père. Il n’hésitera pas à payer la rançon que je lui indiquerai. Il vous adore, je le sais, et je l’approuve :