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Durant tout l’après-midi, elle se tint à son chevet, immobile, muette, introduisant entre ses dents serrées les cordiaux préparés par le pseudo-docteur Francesco Noscoso. Dans ces soins, elle trouvait une douceur infinie. Au surplus, son père l’encourageait.

— J’espère empêcher la poussée de la fièvre. Par bonheur, durant mes chasses dans le Nord, aux confins du continent, j’ai appris comment on soigne les blessures. Les recettes des chasseurs valent mieux que les ordonnances des médecins des villes.

Dans les yeux de M. Defrance dansait une petite flamme ironique ; du moins apparut-elle ainsi à son interlocutrice. Celle-ci se demanda pourquoi son père semblait railler.

Le soir vint. Décidément le traitement du pseudo-docteur faisait merveille. Aucune trace de fièvre. Or, la fièvre constitue le réel danger pour quiconque a perdu beaucoup de sang. Fleuriane regagna donc le Jippy-Pavilion, sinon joyeuse, du moins tranquillisée.

Patorne, lors de sa rentrée au salon, interrompit une conversation animée avec Larmette et le Chilien Botera pour s’enquérir d’un ton d’intérêt affecté de l’état de Dick Fann.

La jeune fille répondit sans se faire prier. On espérait le sauver ; mais cinq à six semaines s’écouleraient, avant que le blessé pût quitter sa couche de souffrance. Elle conclut en regardant le joaillier bien en face :

— Ceci nous privera du plaisir de continuer le tour du monde en votre compagnie.

Le ton de cette remarque était celui d’un ordre.

Il ne parut pas comprendre.

— Mademoiselle, fit-il avec un respect parfaitement joué, j’ai tenu à voyager de conserve avec vous, parce que vous précédiez l’ensemble des concurrents de plusieurs jours. La situation, bien que retournée, va rester la même. Désormais, vous suivrez la course à l’arrière-garde. Or, je suis Français, vous êtes Canadienne, je considérerais comme un crime de vous abandonner à vos propres forces pour la traversée des déserts glacés de l’Alaska et du Nord Sibérien.

Mme Patorne roula des yeux blancs. Sans doute possible, la ridicule créature s’attribuait tout le mérite de cette décision.

Fleuriane regagna sa chambre. En y entrant, elle eut un mouvement de recul. Une silhouette humaine