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Un geste du magistrat indiqua à Fleuriane qu’elle était libre.

Elle sortit, mais en passant devant Larmette, son regard croisa celui du joaillier.

Haletante, une émotion poignante étreignant tout son être, Fleuriane traversa la rue presque en courant. Oh ! elle se souciait bien, à cette heure, de ce qui était convenable ou non… Une force irrésistible l’entraînait au chevet de ce moribond, près duquel elle avait l’impression terrible, étrange et douce, que son âme l’avait précédée.

Au bureau, il lui sembla qu’elle allait perdre connaissance pendant qu’un huissier s’enquérait si le malade pouvait recevoir.

Elle songeait maintenant qu’auprès du blessé, se tenait l’homme qui, pour tous, était le docteur mulâtre Francesco Noscoso, et qui, pour elle seule, était M. Defrance, son père, défendu contre le danger par le déguisement imaginé par Dick Fann.

Comment le père accueillerait-il la venue de sa fille ? Elle eut un soupir profond, lorsque l’agent, revenant vers elle, prononça d’une voix indifférente :

— Miss est annoncée. On l’attend. Il lui est seulement recommandé d’éviter le moindre bruit, car la plus légère secousse serait fatale au gentleman.

Elle parcourut les couloirs du rez-de-chaussée, se dirigeant d’instinct vers l’endroit où se trouvaient les chambres contiguës des deux acteurs du drame.

Mais une porte ouverte s’offre à sa vue. Sur le seuil, un homme est debout. Elle le reconnaît. C’est le pseudo Francesco Noscoso.

Elle chancelle. Sa main s’appuie inconsciemment au chambranle et elle pousse un sourd gémissement. Doucement, le faux docteur l’attire dans la pièce dont il referme la porte avec soin.

Elle sent qu’il la pousse vers un fauteuil. Incapable de résister, elle s’y écroule. Et elle demeure là, sans force, sans pensée, sans voix, tandis que M. Defrance s’approche de la table sur laquelle s’alignent des flacons, des bandes de toile, des petits morceaux de charpie, des instruments d’acier dont les lames brillantes jaillissent de manches d’ébène sombre.

Pas une parole n’a été prononcée.

Le père a compris le cyclone moral qui emporte en une giration échevelée la pensée de Fleuriane.

Peu à peu, la pauvre enfant sent l’ordre se refaire