Puis il coupa un morceau de la bande de toile, qu’il choisit dans la partie la plus noircie, et la fit infuser dans sa préparation.
Quelle cuisine que la chimie !
Après un instant, il reprit sa sauce endiablée, la transvasa, puis y ajouta d’autres ingrédients. Enfin il alluma une lampe à gaz oxhydrique, disposa un prisme sur une feuille de papier et interposa son récipient entre les deux objets.
Un spectre, — c’est ainsi que les savants appellent l’arc-en-ciel que forment les rayons lumineux passant à travers un prisme, il me l’expliqua très gracieusement — un spectre, donc, s’étala sur le papier.
Il l’examina avec attention, prit avec un compas des mesures de je ne sais pas quoi. Et enfin, il s’exclama :
— M. Thomson a deviné… toutes les « raies » du radium y sont.
Ouf ! Je me tins à quatre pour ne pas lui sauter au cou.
— Mais où donc ce Toddy s’est-il procuré du radium ?
Pour moi, c’était clair, Larmette étant de l’affaire. Mais je n’avais pas à révéler cela au professeur. Aussi interrompis-je ses réflexions.
— Monsieur le professeur, vous seriez bien aimable d’écrire votre expérience. Rédigé par vous, ce sera beaucoup plus clair que répété par moi, simple ignorant auprès de vous.
— Volontiers ! volontiers !
Il courut à un petit bureau portant de quoi écrire et sa plume se prit à courir sur le papier. Il remplit environ une page d’écriture. Puis il la plia, la mit sous enveloppe et, me présentant la missive :
— Le radium a été appliqué deux jours seulement, me disiez-vous ?
— Oui, monsieur le professeur, deux jours.
— Bien ! J’indique à M. Thomson que son action aussi brève ne saurait être complète.
— Pourtant, je vous assure qu’il n’y a plus apparence de tache de vin. J’accompagnais M. le juge d’instruction et…
Il me coupe la parole :
— Sans doute ! Sans doute ! Au repos, on ne voit rien ; mais supposez une émotion violente : colère, terreur ou autre, la tache de vin reparaîtrait.