— Eh ! Joe, fait l’un, ton revolver est chargé ?
— Tu le penses bien, Joas, répond l’interpellé. Quand on sait l’ours en campagne, le plomb est le meilleur protecteur des dollars.
— Yes, I guess[1].
Mais une servante, qui surveille les consommateurs, questionne :
— De quel ours parlez-vous donc ?
— Bon ! jolie Margot, de l’ours de la prison de Dowerpoint.
La prison de Dowerpoint, on me l’a dit ensuite, est dans un vallon éloigné de quinze à seize milles.
— Ah ! c’est le directeur de la maison de détention que vous nommez ainsi… Cela ne m’étonne pas. Pour garder des prisonniers, il faut être un véritable ours.
La réflexion de la servante égaie tous les assistants.
Ce sont des rires sonores, des exclamations bruyantes. Celui qui répond au nom de Joe se décide enfin à expliquer :
— Non, non, Magget, il ne s’agit pas du directeur, mais d’un de ses administrés qui s’est évadé, et qu’il vaut mieux ne pas rencontrer sur sa route.
— C’est donc un être bien terrible ? reprend la servante avec une curiosité terrifiée.
— Bon ! C’est l’assassin de Cedar, condamné à mort… On attendait le dégel pour le conduire en ville et l’électrocuter. Il a trouvé meilleur de déguerpir avant.
— Et il peut se présenter ici, et on le recevra sans se douter que c’est un sanglant mauvais garçon !
— Ma foi ! Dans un hôtel, on reçoit qui paie, Magget !
La servante leva les bras au ciel avec horreur.
— Et quand je le servirai, je ne reconnaîtrai pas la main qui a versé le sang d’innocentes créatures !
— Oh ! gouailla Joe, la main, non, vous ne reconnaîtrez pas la main ; mais bien certainement, si ce que dit l’affiche promettant la prime pour la capture, est vrai… vous pourrez reconnaître sa figure. On prétend que sa joue gauche, son nez et son front sont marqués d’une tache de vin.
- ↑ Oui, je devine. Locution américaine intraduisible, comme le do you know des Anglais, ou le savez-vous des Belges.