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Et, pivotant sur elle-même, la jeune fille s’élança dans l’escalier reliant l’office à l’appartement de mistress.

Un instant plus tard, elle frappait à la porte de la chambre de la veuve. Un murmure grognon se fit entendre à l’intérieur, murmure que Mathiesel considéra comme une invite à entrer, car elle tourna le bouton et fit irruption dans la pièce où Mrs. Tolham, assise devant un petit guéridon de marqueterie, se délectait à une hécatombe de « gâteaux secs salés » trempés dans un bol de chocolat.

— Eh ! c’est vous ? fit la veuve. Quel air avez-vous donc ? Auriez-vous rencontré le coupeur de manteaux ?

— Hélas ! non, mistress.

— Vous dites : Hélas ! comme si vous le regrettiez. En vérité, vous êtes une bizarre personne. Mais enfin, si ce n’est pas cela, à quoi dois-je attribuer votre visite ?

— À une lettre, mistress, à une lettre de Mrs. Lodgers qui me fait remarquer que la nuit prochaine sera la dixième depuis le crime, et que je pourrai dès lors me mettre à sa disposition demain, le plus tôt dans la matinée. Je viens demander à Mistress la permission d’obéir à Mrs. Lodgers.

La veuve écoutait, médusée. Enfin, elle gronda :

— Alors, vous allez nous abandonner, au moment où peut-être le fou…

Son interlocutrice ne la laissa pas continuer.

— Mistress oublie qu’elle m’a donné le manteau gris, que je vais l’emporter avec moi, et que j’en informerai le public par la voix de la presse ?

La veuve ricana :

— Mrs. Lodgers en sera flattée, pensez-vous ?

— Mrs. Lodgers l’ignorera… Du reste, rien au monde ne saurait m’empêcher de tenir mes engagements.

— Oh alors !

L’égoïsme de la châtelaine rassuré, le visage se dérida, et ce fut d’un ton presque gracieux que Mrs. Tolham prononça :

— Alors, ma fille, obéissez… Dès votre arrivée là-bas, par exemple, renvoyez-moi Mérédith dont l’absence, vous le concevez, m’a gênée. On se doit à l’amitié certainement, mais il faut en tendresse, comme en toute chose, observer la mesure.