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elle releva la tête et regardant la nouvelle venue dans les yeux :

— Ma fille, vous connaissez le contenu de cette lettre ?

— Oui, mistress. Mrs. Lodgers a été très satisfaite de mes références. Elle désire que j’entre à son service, et elle a compris que je ne me soucie pas d’entrer chez elle en ce moment où sa maison vient d’être le théâtre d’un crime.

— Ah ! vous ne vous souciez pas… Ma parole, ces espèces sont impayables ! Et peut-on savoir pourquoi ?

— Oh ! Mistress le sait mieux que moi.

— Répondez néanmoins comme si je l’ignorais.

— Par obéissance pour Mistress, je lui dirai donc que le sang répandu porte malheur, jusqu’à ce que le soleil se soit levé dix fois.

Cette réplique fit oublier à la veuve ses terreurs, au moins pendant quelques secondes. Un éclat de rire convulsif la secoua tout entière.

— Enfin, bégaya-t-elle au milieu de cette gaieté incoercible, vous êtes superstitieuse, jeune Mathiesel, puisque tel est votre nom.

L’interpellée secoua énergiquement la tête.

— Ce n’est point de la superstition, et tous les gens raisonnables savent qu’entrer dans une maison où vient d’être commis un meurtre, avant que dix jours soient révolus, c’est chercher le malheur. Ainsi, en Angleterre, où j’ai servi longtemps, chez lord Harold Burnes, j’ai appris que la reine Marie Stuart et le roi Charles Ier ont péri de mort violente pour cette unique raison. Or, si cela est vrai pour les souverains, vous pensez bien, mistress, que ce l’est encore bien plus pour une humble femme de chambre.

L’hilarité de la veuve augmenta. Décidément, cette fille était drôle. Un quart d’heure plus tôt, Mrs. Tolham eût juré ses grands dieux que personne ne réussirait à l’égayer en cette malencontreuse journée… Et voilà qu’elle riait comme il lui était arrivé peu souvent de rire.

Aussi, fut-ce d’un ton radouci, qu’elle reprit :

— Mrs. Lodgers me répond de vous. Elle me demande de vous garder une semaine ou deux et de lui prêter Mérédith pendant ce temps.

Le visage de Mérédith s’éclaira. De toute évidence,