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là ma supériorité, incompréhensible pour qui n’est pas au courant.

La pseudo-servante riait. Son compagnon reprit :

— Enfin ! tu es content de ton sort ?

— Dame ! Service facile, une nourriture abondante et délicate. Cela me change agréablement de notre misère passée, Faire des bandes à un franc les dix mille et soutenir ses forces avec du pain sec, les jours d’abondance… Sans cela, moi qui suis un timide, jamais je n’aurais accepté ta proposition de me substituer à cette demoiselle Véronique qui, elle, souhaitait entrer en place, quinze jours plus tard.

— En voici huit de cela.

— Pas de chiffres. En songeant qu’il va falloir, dans une semaine, revenir aux bandes et au pain sec… Je sens mon cœur se serrer.

— En attendant que l’estomac suive cet exemple ; alors tu continuerais volontiers la carrière de femme de chambre ?

— J’y suis habitué, à présent… et c’est si bon de n’avoir pas de soucis. Quand mon tuteur s’est enfui, emportant la modeste fortune que m’avaient laissée mes parents, je ne me doutais pas de la difficulté de vivre.

— Je suis heureux de te voir dans ces dispositions.

— Parce que ?

— Parce que Véronique Hardy ne reviendra pas te réclamer sa place.

— Comment ?

— Tu pourras conserver son emploi, ses papiers, ses certificats ; c’est-à-dire qu’au cas où tu quitterais le Mirific, tu serais en mesure de retrouver l’équivalent.

La pseudo-jeune fille joignit les mains.

— C’est sérieux. Je puis… Oh ! pas pour toujours ; le temps de refaire ma santé…

— Non seulement tu peux, plaisanta Alcide, mais tu dois.

— Comme tu dis cela, fit Pierre avec inquiétude.

— Je le dis comme il convient. Oui, tu dois demeurer femme de chambre, et surtout Véronique Hardy.

— Tu me fais peur.