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de protester contre le prénom de Pierre, appliqué à elle, qui figurait sur le contrôle du personnel sous le nom de Véronique Hardy, elle murmura, balbutiant :

— Non… en effet…

L’autre eut un ricanement silencieux.

— Soyez donc colocataire d’un pavillon, sis rue des Saules, à Montmartre, pour qu’un compagnon de misère vous traite en étranger.

Puis lentement :

— Au surplus, ton manque de mémoire me fait plaisir. Il me démontre qu’en faisant sauter ma barbe noire et mes moustaches, je me suis rendu méconnaissable, ce qui représente pour l’instant le summum de mes désirs.

— Alcide Norans, bégaya la jeune fille.

— Parfaitement, comme toi tu es Pierre Cruisacq, natif du Tyrol…

— Chut ! fit-il, suppliant.

— Tu as raison, pas de noms propres.

— Sans doute. Cette place de fille de chambre m’assure le gîte et le couvert, durant les quelques jours d’absence de la véritable Véronique Hardy.

Son interlocuteur l’interrompit :

— Personne ne s’est aperçu de la substitution, n’est-ce pas ?

— Non, personne. Tu avais raison. Avec mon visage, dépourvu de toute trace de barbe, ma perruque châtaine, la robe noire et le tablier coquet, tous m’ont pris pour une réelle Véronique.

— Tiens donc. Ils l’avaient engagée de confiance feu bureau de placement Wernaert et Cie, spécialité de domestiques d’hôtels.

— Et même, ajouta la servante, qui avouait ainsi le travestissement de son sexe, mes collègues sont remplis d’attentions pour moi, et les clientes, donc… Tantôt encore, une délicieuse demoiselle japonaise, fille d’un général du Mikado, me déclarait que jamais elle n’avait rencontré une fille de chambre plus correcte, plus intelligente que moi.

— Oh ! oh ! de la vanité !

— Mais non, mon brave Alcide. Les femmes de chambre ont rarement passé leur baccalauréat ; de