Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

songe, je ne puis abandonner ma petite cousine.

— Emmenez-la.

À cette proposition, Emmie bondit sur ses pieds en battant des mains.

— Vive le général !

Souriant, ce dernier, très amusé de sa pétulance, lui adressa un signe approbateur, puis revenant à Tibérade :

— Nous partirons ce soir pour Marseille, par le train de neuf heures vingt.

— Ce soir, diable ?

— Des valises suffisent. Nous achèterons le nécessaire en route.

— Ce sera très cher.

— Peu importe. Prenez ceci pour les premiers frais.

Tout en parlant, le Japonais tendait à son interlocuteur un portefeuille gonflé de billets de banque.

Et comme le jeune homme marquait une hésitation, Uko reprit avec force :

— Vous sauvegardez la fortune de ma fille. Il est juste que je vous défraie de tout. De plus, nous ne devons pas nous connaître ; il convient donc que vous puissiez, sur un simple avis, solder les dépenses imprévues.

L’argument était irréfutable. Il décida Tibérade. Le portefeuille passa de la main du général dans les siennes. Le Japonais se leva aussitôt :

— Et maintenant, monsieur Tibérade, le crois que nous aurons lieu de nous réjouir de notre entente ; seulement le temps nous presse, je vais vous dire adieu… ou plutôt au revoir. Au train de neuf heures vingt. Nous ne nous connaîtrons pas en apparence, mais nous nous verrons.

Sika s’était levée en même temps que son père.

Elle tendit à Tibérade sa main fine, en murmurant avec un léger tremblement dont il ne pouvait deviner la cause :

— Merci, monsieur. Croyez à ma gratitude.

Puis elle se dirigea vers la porte, laissant le jeune homme délicieusement impressionné par ces simples paroles. Le général la suivit. Tous deux sortirent.