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énorme, énorme à ce point que la situation du perdant peut être tout à fait changée.

Et, d’un ton persuasif :

— N’est-ce pas, à certaines heures, on se laisse entraîner. Il semble que l’on obéisse à une fièvre… On déplore ensuite… trop tard… Donc le pari existe… Mon adversaire a compris que, s’il perdait, il voisinerait avec la misère. Aussi est-il capable de tout. C’est un descendant des guerriers samouraï, et il a l’âme terrible de ses ancêtres. Bref, je suis en danger de mort.

— De mort !… Pour un pari ? s’écria Tibérade, stupéfait.

— Je démontre. Ce pari remonte à quelques jours ; nous avions fait un succulent dîner. C’est toujours en semblables moments que l’on fait des sottises. Or, depuis, je suis en butte aux plus effroyables tentatives. À l’hôtel que l’habite, des gens à la solde de mon adversaire, ont cambriolé ma chambre, bouleversé mes armoires, fouillé mes malles, mes valises. Des accidents, auxquels nous avons échappé jusqu’ici par miracle, se multiplient autour de ma fille et de moi. Je suis moralement sûr que l’automobile, à laquelle vous avez arraché Sika, était dirigée par la volonté de mon adversaire.

— Mais alors, c’est un assassin ! rugit Marcel avec colère.

— Non, c’est un noble guerrier. Au Japon, nous ne voyons pas les choses du même œil que vous autres, Français.

— Ma foi, déclara Emmie, sans façon, je préfère notre œil.

Puis conciliante :

— Soit dit sans vous offenser, monsieur le général.

— Enfin, pourquoi toutes ces menaces ? interrogea Tibérade, dont les regards troublés ne quittaient plus le doux vissage de Sika…

— Pour m’empêcher de gagner le pari.

— Quel est-il ?

— Un long voyage à accomplir.

— Je ne saurais pourtant voyager pour vous,  grommela le jeune homme, tout désappointé.