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Pour répliquer, Tibérade retrouva la voix :

— Non, ma petite cousine.

— Une cousine pour qui il se dévoue autant que pour une sœur, fit impétueusement Emmie.

Et comme il suppliait : « Emmie, ne dis pas cela », elle reprit :

— En bien, quoi ? M. le général ne sera pas fâché de savoir que tu as recueilli une orpheline, que tu l’instruis, que tu te mets en quatre pour qu’elle ne manque de rien, que tu es un cœur d’or… C’est, du reste, la seule chose en or dans notre maison, conclut la fantasque petite créature d’un ton ironique, comme si elle défiait au sort.

Tibérade essayant encore de l’arrêter, le visiteur protesta sans dissimuler une incompréhensible satisfaction.

— Mademoiselle a raison. Ces détails, que je connaissais d’ailleurs, me font plaisir à entendre.

— Comment, vous saviez ?…

— Mais oui. Avant de me présenter chez vous, j’ai fait dans le voisinage une enquête rapide.

— Une enquête, maintenant ?

— Très sympathique. Je désirais me documenter sur le sauveur de ma fille.

— Oh ! le sauveur !…

— Si, si. Elle m’a conté la chose. Elle est courageuse ; elle ne s’est donc pas exagéré le péril. Donc, je maintiendrai ma résolution, quoi que vous puissiez dire.

— Ah ! vous avez pris une résolution, balbutia Marcel de plus en plus interloqué par l’étrangeté de l’entretien.

— Vous m’avez conservé mon enfant, dont la perte m’eût certainement invité à renoncer à vivre ; en échange, je veux vous assurer ce qui vous manque…

— N’allez pas plus loin, monsieur, mon acte était trop naturel !

Le général se prit à rire, et d’un ton narquois :

— Ah ! vous trouvez naturel de risquer votre existence ?…

— Certes, je recommencerais avec joie,