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indispensable de dissimuler son, mécontentement.

Mais une surprise se peint tout à coup sur le visage des voyageurs.

Dans la chaloupe, à l’avant, séparée d’eux par les rameurs, ils discernent une jeune femme, brune au point que l’on croirait sa chevelure teinte, et ayant sous cette couronne un teint éblouissant. Les lys et les roses, comparaison démodée, donneraient seuls une idée de sa fraîcheur.

Qui est-elle ? Que fait-elle là ?

Question insoluble, car nul ne se soucie d’interroger l’équipage anglais. Officiers, marins sont des geôliers ; les passagers du Dunlovan se sentent des captifs.

Mais la chaloupe file rapidement, sous l’impulsion de ses huit rameurs vigoureux.

Elle s’éloigne du steamer japonais, progresse vers le croiseur d’Angleterre, qui grossit à chaque coup d’aviron.

Elle l’atteint bientôt. Par l’échelle du bordage, tous se hissent vers la coupée. Ils sautent sur le pont, et là, ils s’immobilisent, littéralement médusés, par une apparition inattendue.

Ployé en accent circonflexe, le chapeau à la main, Midoulet en personne est devant eux.

L’agent qu’ils croyaient bien loin de là leur fait l’effet d’une apparition, fantastique, provoquée par les lutins tracassiers.

Il s’en aperçoit. Un rire silencieux distend ses lèvres minces.

Et avec une politesse affectée, il susurre :

— Vous vous étonnez de me retrouver ici ?

— On s’étonnerait à moins, bredouille le général retrouvant la voix.

— Défaut de réflexion, permettez-moi de vous le dire.

— Je ne saisis pas le sens de cette observation.

Midoulet s’incline derechef.

— Je désire vous éclairer. Sans cela, rien ne m’eût été plus facile que de dissimuler ma présence à bord du Dunlovan. Et tout d’abord, permettez-moi de vous dire que je m’y suis embarqué, en quittant le navire japonais où vous-mêmes vous vous trouviez tout à l’heure.