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La table dressée, les mets cuits à point, les voyageurs allaient pouvoir reprendre des forces, ce dont, en dépit des émotions de la journée, peut-être même à cause d’elles, ils sentaient un urgent besoin.

Soudain, Emmie se frappa le front.

— Et nos prisonniers que j’oubliais !

Clark et Blick s’immobilisèrent, attentives aux paroles de cette jeune fille si débrouillarde et si peu fière, qui les traitait, elles, simples employées, comme de véritables camarades.

— Il ne faut pas les laisser mourir de faim, continua la Parisienne, car ils devront être interrogés par Sa Grâce le Gouverneur ; et s’ils étaient défunts, ils auraient un excellent prétexte pour ne pas desserrer les dents.

Clark et Blick eurent un large rire qui épanouit leurs bouches jusqu’aux oreilles.

Mais la cousine de Marcel poursuivait :

— Chères aimables ladies, voulez-vous m’aider ? Je me chargerai de la lanterne pour descendre à la cave, et aussi des clefs du cachot improvisé. Vous porterez les aliments. De la sorte, nous serons fondés à affirmer au Gouverneur que vous avez effectivement coopéré à la garde des traîtres.

Véritablement, les télégraphistes esquissèrent une génuflexion.

Elles se sentaient attirées par cette mignonne fillette, si désireuse de leur fournir l’occasion de se signaler à l’attention des dispensateurs de leur avancement administratif.

Les bras courts et gras de mistress Clark, les échalas de miss Blick s’agitèrent frénétiquement.

En deux minutes, les deux femmes furent chargées de récipients contenant de la nourriture pour dix personnes.

Emmie l’avait voulu ainsi, afin avait-elle dit, que les espions ne pussent pas se plaindre du système pénitentiaire britannique.

Portant la lanterne et la grosse clef rouillée du caveau souterrain, la gamine quitta la pièce du rez-de-chaussée derrière elles, non sans adresser à ses amis un geste furtif et ironique, dont ils ne comprirent pas le sens.