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lement s’entend, car autrement je gênerais votre diction.

Elle raillait, l’espiègle Emmie. L’homme ne parut pas s’en apercevoir, il continua paisiblement.

— À cette époque, l’âge d’or des végétaux, les arbres parlaient et se déplaçaient. Que fit le cerisier ? En gaillard avisé, il alla chez un confiseur spécial, lui fit modeler un fruit en tout semblable à celui qu’il avait produit. Il attacha celui-ci à sa branche, après avoir cueilli la cerise réelle, qu’il cacha précieusement dans une fente de son écorce. Et quand les gourmands redoutés survinrent, ils croquèrent tout simplement la cerise du confiseur, sans se douter que celle qu’ils convoitaient leur échappait.

Une sourde exclamation bourdonna dans l’aérobus, se mêlant au bourdonnement du moteur, au sifflement du vent.

Tous avaient compris l’apologue.

Les ravisseurs étaient au courant du stratagème, qui avait dérouté l’agent français.

Le causeur, du reste, jugea qu’il en était ainsi ; car il enleva ses lunettes, montra sa figure, et fort aimablement :

— Je vois que nous nous entendons. Je vous présente mon visage qui vous rappellera certainement celui d’une certaine Véronique… Je n’insiste pas. Cette marque de confiance vous indique, d’une part, que vous n’avez rien à craindre si vous vous soumettez à la fatalité ; l’aventure peut s’exprimer ainsi ; et d’autre part que je suis certain de la décision raisonnable à laquelle vous vous arrêterez.

Personne ne répondit.

Qu’eussent-ils pu discuter dans ces paroles ?

La conclusion de Pierre Cruisacq ne prêtait à aucune négation. Ils étaient en son pouvoir.

Pour lui échapper, il faudrait la chance d’un atterrissage. Or, on atterrirait seulement à Aden, en terre anglaise, parmi des soldats, des fonctionnaires, aveuglément dévoués au gouvernement britannique.

Décidément, ils regrettaient la société de Midoulet, qui leur avait paru naguère si insupportable.

Ils vérifiaient l’affirmation des philosophes, dont seuls l’expérience permet de contrôler la justesse :