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De guerre lasse, Marcel fit mine de se lever. Il allait joindre le pilote, et lui mimer son désir. Le geste est le véritable espéranto universel.

Déjà il était debout ; mais à ce moment se produisit un incident inattendu, qui modifia complètement les situations respectives des passagers et des mécaniciens.

Le petit pilote demeura attentif à sa direction. Son compagnon, lui, se mit debout, sa dextre se tendit vers les voyageurs. Cette main tenait un revolver. Et le personnage prononça, en excellent français :

— Pas un mouvement. Je sais que mon arme n’effraierait ni M. Tibérade, ni le général Uko. Seulement, je suis certain que ces vaillants aiment tendrement Mlles Sika et Emmie. C’est donc elles que je viserai à la moindre tentative de rébellion.

Tous avaient écouté, stupéfiés par le discours imprévu de l’homme muet jusqu’alors.

Et puis, les vocables français jaillissant de ce visage hétéroclite, masqué aux deux tiers par les larges lunettes et le passe-montagne, agitaient en eux une impression troublante, presque extra-humaine.

Le premier, Marcel retrouva la voix.

— Rébellion, avez-vous dit ; contre qui ? Contre quoi ?

— Contre l’amirauté anglaise dont vous êtes prisonniers.

— Les Anglais ! Prisonniers !

Ces mots se heurtèrent, lancés par les quatre passagers, abasourdis de se voir, au plus haut du ciel, au pouvoir de policiers britanniques.

Car ils n’eurent pas une hésitation. Leurs gardiens pourchassaient le message diplomatique du mikado.

Ainsi, à peine délivrés de Midoulet, ils tombaient aux mains d’ennemis plus dangereux encore. Leur enlèvement en aéroplane les emplissait de la conviction qu’ils ne sauraient lutter avec avantage contre des adversaires aussi admirablement armés.

Mais le premier moment de surprise passé, Emmie prétendit être mieux renseignée. Après tout, voir clair dans une aventure, même désespérée, est la seule façon qui permette d’essayer d’en sortir.

Aussi elle demanda tranquillement :

— Enfin, que voulez-vous de nous ?