— Mademoiselle Tabriz, vous êtes tout à fait charmante. Vous êtes de celles auxquelles un fonctionnaire a joie à être agréable. Asseyez-vous et racontez-moi ce qui vous amène.
L’interpellée eut un sourire qui découvrit ses dents éblouissantes. Elle se coula d’un mouvement serpentin dans un fauteuil, tandis que son compagnon, le ramousi Rimgad, se laissait tomber sur un divan.
— Noble comte, lumière des pays francs (ainsi les indigènes désignent l’Europe), je viens te signaler ce que j’ai entendu, durant mon service au caravansérail des Turbans-Verts. Il s’agit d’un message secret de l’empereur du Japon, dont le but est de chasser les Francs de toutes les rives des océans Indien et Pacifique.
Le comte sauta sur son siège et, dans son émoi, tutoyant son interlocutrice, ainsi qu’il est d’usage dans les classes inférieures persanes :
— Qu’est-ce que tu dis, mademoiselle Tabriz ?
— La vérité.
Et vivement, avec une concision surprenante chez une représentante de l’une des races les plus disertes du globe, elle narra à grands traits l’histoire du vêtement mikadonal.
Piffenberg écoutait, les yeux désorbités, la bouche ouverte en 0 extrêmement majuscule ; ses doigts tambourinaient nerveusement sur la table-bureau.
— Très grave. Très grave, soulignait-il de temps en temps.
Enfin Mlle Tabriz se tut. Le comte demeura silencieux, les sourcils froncés, plongé de toute évidence dans des réflexions laborieuses, dont la conclusion fut :
— Mademoiselle Tabriz, tu dois savoir que ma nation souhaite établir des relations amicales avec la Perse, et qu’elle ne songe pas du tout à l’asservir.
— Oui, noble seigneur.
— Dès lors, nous n’entretenons au consulat ni espions, ni policier.
Pourquoi ne t’adresses-tu pas à mes collègues d’Angleterre, de Russie, de France, qui, eux…
Elle ne le laissa pas achever, et avec un nouveau sourire (peut-être la rusée indigène avait-elle remar-